Bonjour, je m'appelle Nfortentem Aaron et je viens de Bamenda, dans la région du Nord-Ouest du Cameroun. Je vis avec le diabète, l’hypertension et un AVC depuis environ cinq ans.
Je partage mon histoire parce que je pense que mon témoignage contribuera grandement à sensibiliser la population aux impacts négatifs de la vie avec des MNT et à la charge que représentent ces maladies, en particulier pour les personnes qui, comme moi, peuvent à peine payer les services de santé de leur poche. Avec mon Carnet MNT, j’appelle les décideurs à mettre en œuvre les changements nécessaires et à prendre des mesures pour soutenir toutes les personnes vivant avec les MNT.
24 janvier 2024
Vivre avec des MNT dans un conflit armé
En 2016, un conflit armé a éclaté dans mon pays. À l’époque, l’agriculture était ma principale source de revenus et celle de ma famille. Le conflit a compliqué mon travail et compromis mes moyens de subsistance : la route vers le marché étant devenue inaccessible aux véhicules, je devais donc y transporter moi-même mes denrées agricoles.
En 2017, j'ai commencé à ressentir de la fatigue et une soif excessive, et j’ai supposé que c’était dû au dur labeur que j’accomplissais. Cependant, j'ai rapidement commencé à avoir des plaies sur mes jambes qui mettaient plus de temps que d'habitude à guérir, et j’ai commencé à voir flou. Mes voisins m’aidaient régulièrement à nettoyer mes plaies, car aller à l’hôpital était très risqué à cause du conflit armé. Un de mes amis, qui avait eu des symptômes similaires, a insisté pour que je me rende à l'hôpital car il soupçonnait que je souffrais de diabète, mais j'ai hésité à suivre son conseil.
J’ai ensuite commencé à avoir mal au dos et des palpitations. Comme cela m’arrivait assez fréquemment, j'ai décidé de consulter le médecin du centre médical communautaire de Bafut, qui a diagnostiqué un diabète et m'a prescrit une longue liste de médicaments, dont l'amlodipine, la metformine, le lisinopril, l'hydrochlorothiazide et la pyridoxine. Comme il s'agissait d'un centre de soins primaires non spécialisé en MNT, j'ai payé l'intégralité des services de santé car le traitement n’était pas pris en charge et comme je ne disposais pas de revenus stables, je n’avais droit à aucune assurance maladie. Je ne comprenais pas les implications du diabète et ne parvenais pas à gérer correctement la maladie avec un traitement, en raison de son coût élevé. Quelques mois plus tard, j’ai eu un AVC qui a paralysé le côté droit de mon corps. Le médecin a dit que c'était dû à une hypertension artérielle et que les palpitations cardiaques que je ressentais en étaient le signe. Je suis alors passé à la peinture comme source de revenus alternative, car c’était moins stressant que l’agriculture.
En raison du conflit, j’ai perdu la plupart de mes biens et ai dû déménager dans un lieu plus sûr. J’ai fait des petits boulots pour payer les frais d’hôpital, mais la plupart du temps cela ne couvrait même pas le prix d’une consultation. Le fait de ne pas pouvoir payer le traitement de ma poche signifiait parfois n’avoir accès à aucune forme de service médical.
8 avril 2024
Les inégalités au sein des groupes défavorisés
Lorsque j’ai déménagé en 2019 à Mulang, dans la région du Nord-Ouest du Cameroun alors touchée par le conflit, j’ai rencontré Pa Lucas, un agent de sécurité à la retraite vivant avec le diabète et l’hypertension. Il ne recevait aucun soutien financier et, comme moi, n'avait ni assurance maladie ni plan de retraite parce qu'il n'en avait pas les moyens. En tant qu'agent de sécurité avec un bas salaire, il n'était pas non plus pris en charge par le régime national de retraite. Son état de santé ne cessait de se détériorer car il ne pouvait pas payer de sa poche les services de santé. Il était déjà relativement âgé et n'était pas physiquement apte à occuper un emploi en raison de ses problèmes de santé. Il a fini par se mettre à mendier et a survécu grâce aux dons de certains membres de la communauté. Pa Lucas se rendait souvent à l'hôpital régional pour faire des analyses et se procurer des médicaments. Chaque fois qu'il s'y rendait sans avoir assez d'argent, les agents de santé l’abandonnaient à son sort ou s'occupaient de lui en dernier, donnant la priorité à ceux qui avaient les moyens de payer la totalité des frais. Les fois où on s’occupait de lui, il ne recevait que les services qu'il pouvait payer, sans aucune aide financière, quelle que soit la gravité de son état. Il lui arrivait souvent d’y aller sans argent et de se faire jeter de l'hôpital après s’être fait insulter.
L'histoire de Pa Lucas n'est pas unique : les inégalités auxquelles il a été confronté en raison d'un manque de ressources financières et le mauvais traitement que lui a réservé le système de santé sont des défis courants pour celles et ceux d'entre nous qui tentent d'accéder aux hôpitaux ou cliniques publics pour recevoir des services de santé vitaux.
L'histoire de Mme Manka'a, par exemple, est similaire. Veuve, elle vit avec ses trois enfants dans une région isolée de Mulang et souffre de diabète, ce qui lui a fait perdre la vue. Il n'y a pas de dispensaire dans sa région. L'agriculture est sa seule source de revenus, et c’est à peine suffisant pour nourrir sa famille. Outre les obstacles géographiques à l'accès aux soins, Mme Manka'a ne bénéficie d'aucune aide financière et n’a donc pas les moyens de se payer des soins de santé.
À l’hôpital baptiste de Nkwen, j’ai rencontré d’autres personnes vivant avec des MNT, dont le cancer. Leur principale difficulté commune était l’accès à un soutien financier. Le conflit armé au Cameroun a rendu nos communautés dangereuses, laissant la plupart d'entre nous déplacés à l'intérieur du pays, sans argent ni biens. Nous devons repartir de zéro dans un nouvel environnement, trouver un logement et du travail pour avoir des revenus, avec des possibilités d'emploi très limitées. Les seuls emplois que nous réussissons à trouver sont ouvrier agricole, agent d’entretien ou maçon, sans un bon salaire pour faire face à nos dépenses quotidiennes. Cela a grandement contribué à notre incapacité à accéder aux soins de santé.
21 février 2024
Closing the gap
Living with NCDs and not being able to afford or access health services is a difficult burden for us to bear.
Many people living with NCDs in Cameroon lack access to health services and as a result are not diagnosed. When they do access health services and receive a diagnosis, there is no proper follow-up to support the treatment and management of their condition. Many others do not even have an idea of what NCDs are, nor of their signs and symptoms or how to prevent NCDs.
It is about time the government, the Ministry of Public Health, and civil society organisations join forces to effectively implement measures to reduce the burden of NCDs at a national level. The Ministry of Public Health should make sure that people like me living with NCDs have access to health services at all levels. NCD clinics or units should also be created in rural areas to increase access to health care for those unable to reach urban areas, as seen with Mrs. Manka’a. I also urge civil society and the Ministry of Public Health to put additional efforts into raising awareness of NCDs, with a focus on reaching remote areas. These populations are at greater risk of having undiagnosed or untreated NCDs and are therefore more likely to have greater morbidity and mortality. In addition, NCDs should be included in the national budget, and the cost of NCD health services should be subsidised like they are for services for infectious diseases, so that we can receive access to diagnosis and treatment despite our financial circumstances and the ongoing conflict.
Lastly, people like us living with NCDs should receive proper follow-up. This could be done through community-based care by assigning health workers to patients to improve access to care when needed. This could also reduce instances of discrimination by health workers, as patient needs are better understood. Assigning health workers to patients can also address geographical barriers to access, which will enable follow-up for people living with NCDs regardless of their location. Health workers can visit people in rural or more remote areas in the comfort of their homes and put in place arrangements for follow-up to support people in managing their conditions.
Carnets MNT
Il est nécessaire de s’attaquer aux inégalités d’accès aux services de santé afin de réduire la charge qui pèse sur tous les groupes de personnes vivant avec des MNT.
Nfortentem Aaron, expérience vécue de plusieurs maladies chroniques, Cameroun
À PROPOS DES CARNETS MNT
Les Carnets MNT utilisent des approches multimédia riches et immersives pour partager un vécu afin de susciter le changement, en utilisant un format de discours public.