Je m'appelle Jean Marie Blaise Migabo.
Je partage mon histoire parce que j'appartiens à une famille de personnes asthmatiques. Autour de moi, mon père et un de mes frères en souffrent.
1 novembre 2021
Trop loin pour être sauvé...
J'avais 12 ans, et c'était censé être un matin comme les autres. Mais en ce jour d'avril, c'était une autre histoire après que j'ai été réveillé tôt par les éternuements et les quintes de toux de mon père.
Comme il souffrait d'asthme depuis des années, nous étions habitués à ce qu'il fasse des crises à la maison, mais en quelques minutes, il se rétablissait. Mais ce jour‑là, il a tellement toussé et éternué que nous avons commencé à nous inquiéter.
Le problème cette fois‑ci ? Le temps en ce matin d'avril, un jour de pluie et donc un changement brusque pour lui, d'autant plus que son spray habituel de Ventoline était fini. Il n'avait que quelques comprimés d'aminophylline à sa disposition, qu'il avait pris soin de garder avec lui. Heureusement, cela a fonctionné, mais après une crise grave. Et dans le pire des cas, dans notre localité, il n'y avait qu'une seule pharmacie à environ 12 km, l'endroit le plus proche.
Même si en tant qu'enseignant du primaire, il ne gagne pas beaucoup d'argent, en tant que fonctionnaire d'État il a droit à une mutuelle de la fonction publique. Je dois mentionner ici qu'il n'existe pas de régime d'assurance national pour les MNT qui soit ouvert à l'ensemble de la population.
Cependant, le processus pour que mon père reçoive ses médicaments est long et compliqué. Il doit d'abord se rendre chez un spécialiste pour obtenir une ordonnance. Cela lui prend trois jours, car le pays compte moins de dix pneumologues pour 12 millions d'habitants. Il doit ensuite se rendre à l'office national, la Mutuelle de la Fonction Publique, pour obtenir un formulaire lui permettant d'accéder à ses médicaments au prix de la compagnie d'assurance.
L’office national est situé dans la capitale du Burundi, Bujumbura. C'est à plus de 80 km de son domicile. Ce voyage est physiquement difficile en raison de son état et du fait qu'il doit emprunter des routes accidentées. Ceci, outre la lourdeur administrative du processus, occasionne de nombreuses dépenses qu'il a dû payer de sa poche.
En tant que médecin et partenaire de soins de mon père et d'autres membres de ma famille atteints de maladies non transmissibles, je les ai aidés à s'orienter dans ce processus pour recevoir des soins, et j'ai également contribué financièrement aux médicaments de mon père lorsque cela était nécessaire. Grâce à mon expérience, j'ai découvert que ce processus coûteux est le même pour d'autres maladies chroniques, ce qui crée des difficultés pour de nombreuses personnes au Burundi. Je reviendrai sur ce point dans ma dernière entrée...
2 novembre 2021
Quand le coût porte un coup
Grâce à mes expériences en tant que médecin et partenaire de soins, j'ai été témoin des nombreuses difficultés auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec des MNT au Burundi.
Je me souviens d'un jeune homme d'une vingtaine d'années à qui on avait diagnostiqué un diabète de type 1. Il ne pouvait pas facilement obtenir son insuline parce qu'il n'en avait pas les moyens. Il existe au Burundi quelques centres dirigés par le gouvernement ainsi que des centres privés (ONG) qui ont été mis en place pour administrer de l'insuline aux personnes de moins de 25 ans ; cependant, ils étaient situés très loin de son domicile et nécessitaient des frais de déplacement qu’étant encore à l'école, il pouvait difficilement se permettre.
Ceux qui avaient la chance de recevoir de l'insuline devaient faire face à l'absence de réfrigérateurs pour le stockage. Ils étaient contraints de les stocker dans le centre le plus proche, ou d'une manière qui n'est pas sûre. Le manque d'installations pour le stockage des médicaments diminue l'offre et augmente donc leur coût.
Je me souviens aussi de cette femme qui vivait depuis des années avec une tension artérielle élevée. Le suivi n'était pas trop compliqué car elle vivait à proximité d'un établissement de soins de santé primaires et son assurance couvrait les tests de base. Cependant, les choses se sont compliquées après qu'elle a eu une poussée hypertensive. Un médecin d'un établissement local lui a suggéré de passer un électrocardiogramme, une échographie cardiaque et un fond d'œil (examen de l'œil permettant de diagnostiquer une rétinopathie diabétique) dans un établissement situé en dehors de sa province, car ces examens ne pouvaient pas y être pratiqués. Il s'agissait d'examens coûteux qui n'étaient pas couverts par l'assurance et qu'elle avait du mal à payer en tant que veuve sans emploi rémunéré.
Le cancer ? Parfois, j'ai peur d'en parler quand je pense à cette jeune fille de 19 ans atteinte d'un cancer du sein. Pour confirmer sa pathologie, elle a dû envoyer son échantillon à l'étranger car il n'y avait pas de laboratoire d’anatomie pathologique au Burundi. Sans l'aide de personnes charitables, cela n'aurait pas été possible, car elle était très pauvre et ce service coûte cher. En raison de ces facteurs, le diagnostic a été posé à un stade avancé. Elle n'avait même pas eu accès à un dépistage par mammographie, car ces appareils sont rares au Burundi, ce qui en augmente le coût.
Ces histoires reflètent les défis que posent des services de santé limités et l'absence d'accès à une assurance maladie couvrant les soins de santé spécialisés au-delà des soins de base dans les établissements primaires. Il est plus que nécessaire d’agir sur l'accessibilité financière et la couverture sanitaire universelle des MNT au Burundi. Je reviendrai sur ce point dans ma dernière entrée...
13 janvier 2022
De petits pas pour un grand mouvement...
Le nombre de personnes vivant avec des MNT augmente jour après jour, mais malheureusement, la disponibilité des services et du personnel pour les soigner ne suit pas cette tendance.
Au Burundi, il y a très peu de spécialistes des MNT et, par conséquent, les personnes vivant avec ces maladies ont souvent du mal à obtenir une prise en charge ou même un diagnostic pour leur état. Il y a également un manque d'outils de diagnostic, renforcé par le fait que les quelques spécialistes qui existent sont concentrés dans la seule ville de Bujumbura, au détriment de celles et ceux qui vivent dans les provinces.
Les limitations des services liés aux MNT ont fait grimper le coût des soins au Burundi, et notamment des services de diagnostic et des médicaments, qui sont très chers par rapport au revenu moyen des Burundais. Cette situation est aggravée par le fait qu'il n'existe pas de régime d'assurance maladie accessible au Burundi. Moins de 20 % des Burundais ont accès à une assurance maladie, dont moins de 2 % dans les secteurs privé et informel. Les fonctionnaires sont soumis à un régime d'assurance mutuelle obligatoire dont les cotisations sont payées par leur employeur. Pour les nombreuses personnes des secteurs privé et informel qui n'ont pas d'assurance maladie, cela est probablement dû à un manque de sensibilisation ainsi qu'au coût, de nombreuses entreprises privées n'étant pas disposées à dépenser de l'argent dans une assurance maladie pour leur personnel.
Compte tenu de ce qui précède, j'invite le gouvernement burundais à accroître les investissements dans les services de santé, notamment ceux liés aux MNT. Des incitations et des programmes de formation devraient être lancés pour augmenter le nombre de spécialistes des MNT au Burundi et élargir l'accès aux services de prise en charge pour les personnes vivant dans les zones rurales. Les efforts doivent également porter sur le développement et la création d'installations médicales supplémentaires, équipées pour diagnostiquer un large éventail de MNT.
En outre, j'appelle le gouvernement du Burundi à accélérer ses efforts pour mettre en œuvre la couverture sanitaire universelle. Un fonds public mutualiste pourrait également être créé pour encourager la formation d'une société collective par le biais de promesses de dons ou d'une politique de contributions modestes mais obligatoires, sous la supervision du gouvernement. Pour que ces actions soient couronnées de succès, les personnes vivant avec des MNT doivent contribuer à chaque étape du processus décisionnel.
Enfin, les personnes vivant avec des MNT doivent jouer leur rôle, notamment en faisant progresser les actions de prévention des MNT et en sensibilisant les décideurs à ces maladies. L'implication des personnes vivant avec des MNT est essentielle pour compenser le manque général d'informations sur les MNT au Burundi, malgré la prévalence de ces maladies.
Carnets MNT
Les maladies chroniques n'affectent pas seulement la personne atteinte, mais aussi son entourage, à commencer par sa famille. Je partage mon histoire dans l'espoir de faire avancer le programme des MNT et de la CSU, afin d'améliorer le bien-être de tous.
Jean Marie Blaise Migabo, expérience vécue de maladie respiratoire chronique, Burundi
À PROPOS DES CARNETS MNT
Les Carnets MNT utilisent des approches multimédia riches et immersives pour partager un vécu afin de susciter le changement, en utilisant un format de discours public.