Je m’appelle Grace Nnenna Achodo, j’ai 57 ans et je suis mariée et mère de 4 enfants. Je viens du sud-est du Nigéria, du district d’Owerri Municipal dans l’État d’Imo. Je vis désormais à Makurdi, la capitale de l’État de Benue, dans le Centre-Nord du Nigeria.
Infirmière de formation, je suis titulaire de deux licences, l’une en éducation à la santé (BSc.H.Edu.) et l’autre en sciences infirmières (BNSc.). J’ai un bon emploi auprès du ministère fédéral de la Santé, au centre médical fédéral de Makurdi, dans l’État de Benue.
J’ai une expérience directe du diabète et des maladies cardiovasculaires. J’aimerais que mon carnet serve à peser sur les décideurs afin qu’ils adoptent des politiques et mettent en œuvre des changements pour obtenir les résultats souhaités en matière de prévention des MNT dans mon pays et au sein de ma communauté.
19 janvier 2023
La prévention des MNT et le début de mon parcours avec le diabète
J’ai une expérience directe d’une MNT mais je suis également une aidante et une prestataire de soins de santé. J’ai perdu mes deux parents à cause du diabète (mon père est mort de diabète avec des complications rénales et ma mère a succombé à une surdose d’insuline alors qu’elle gérait son diabète). J’ai pris soin d’eux lorsque j’étais enfant.
J’ai reçu une formation professionnelle en tant qu’étudiante infirmière qui m’a apporté des connaissances générales sur le rôle des facteurs de risque dans l’issue de la maladie et qui m’a appris que mes antécédents familiaux m’exposent à un risque accru de diabète, d’hypertension et d’autres troubles. Pourtant, les décisions concernant ma santé étaient limitées par le manque d’accès à des environnements favorables à la santé. Ainsi, l’université ne faisait pas la promotion de l’activité physique et les salles de sport privées coûtaient cher. Les aliments les plus facilement disponibles étaient la malbouffe et les boissons sucrées. Il y a également un manque de programmes de prévention des MNT et de services de dépistage réguliers dans le pays.
Cela a conduit à la journée fatidique où, alors que j’assurais une garde tardive dans une unité pédiatrique de 36 lits, je me suis écroulée avant d’être transportée d’urgence en réanimation. On m’a finalement diagnostiqué un diabète sucré à l’âge de 35 ans.
En commençant à faire des recherches pour mieux comprendre, j’ai commencé à parler avec des collègues, des personnes vivant comme moi avec le diabète, des professionnels de santé, des nutritionnistes, des diététiciens et des experts, et à faire du plaidoyer afin que les stratégies de prévention pour les personnes à risque ou vivant avec des MNT deviennent prioritaires. Mon expérience m’a appris que le diagnostic rapide est un enjeu important, et qu’il n’est que trop rarement posé. À cet égard, le dépistage des MNT est une étape très importante, car il permet un diagnostic précoce. Cela facilite la prévention des MNT ainsi qu’une gestion plus rapide et plus efficace de la prise en charge pour en améliorer les résultats, et permet aussi de prévenir l’apparition de ces maladies ou des complications qui leur sont associées.
Mieux vaut prévenir que guérir. C’est moins cher, plus facile à gérer et plus rentable. Avec des mesures préventives appropriées en place à tous les niveaux du système de santé, la société sera en bonne santé. La prévention des MNT devrait être la priorité de tous : le gouvernement, les politiques, les professionnels de la santé, les organisations de la société civile et les particuliers bien intentionnés devraient tou•te•s y contribuer. Investir dans la prévention des MNT peut réduire la mortalité, améliorer la productivité et stimuler l’économie.
La sensibilisation aux MNT constitue une autre stratégie de prévention efficace, mais elle est nettement insuffisante sur le terrain, faute d’infrastructures et de ressources.
J’aurais eu de meilleures chances d’éviter le diabète et d’autres MNT s’il y avait eu suffisamment de programmes de prévention au niveau national, régional et local dans le pays.
28 mars 2023
L’union fait la force !
En tant que patiente, aidante et prestataire de santé, ma communauté, ce sont mes concitoyens qui vivent avec une ou plusieurs MNT. Tous sont confrontés aux même défis que moi pour gérer leurs problèmes de santé : pauvreté, diagnostic rapide, accès inexistant ou insuffisant aux services de santé, manque de connaissances, etc.
M. R.T. a reçu un diagnostic de diabète sucré et d’hypertension des années avant d’avoir son premier AVC en 2016. Il revenait de l’église et a été transporté rapidement vers un service d’urgence. Il a reçu des soins qui lui ont sauvé la vie et s’est rétabli sans incapacité notable. En tant qu’infirmière soignante et défenseure des MNT, j’ai informé M. R.T. et ses proches des facteurs de risque des MNT et de ’importance de la prévention secondaire.
Malheureusement, M. R.T. a eu un deuxième AVC en raison de son manque de ressources car il ne pouvait plus souscrire aux services du centre de santé, il n’avait pas d’argent pour se procurer des médicaments (ayant pris sa retraite, il n’était plus couvert par l’assurance maladie), il a commencé à boire, à ne plus bouger et à mal manger. La prévention secondaire est profondément ancrée dans la réponse du système de santé. Même si M. R.T. avait accès aux bonnes informations, il ne pouvait pas maintenir un mode de vie préventif en raison du soutien limité disponible dans les établissements de santé publics. Aujourd’hui, M. R.T. est soutenu par la communauté des MNT de sa localité qui partage médicaments, nourriture, articles de toilette, etc., entre pairs.
Des programmes de prévention des maladies et de gestion des risques de MNT doivent être mis en place pour réduire la charge. Et pour que cela se produise, la mobilisation de tous est indispensable. La mise en place de programmes de prévention des maladies devrait relever de la responsabilité conjointe du gouvernement, des décideurs, des organisations de la société civile, des communautés et des personnes vivant avec des MNT.
Les investissements dans la prévention des MNT et la création de groupes d’entraide liés aux MNT devraient être financés pour que la prestation des services soit accessible, abordable, durable et efficace. Le dépistage peut permettre la détection précoce des facteurs de risque de maladie. Dans le cas de M. R.T., il aurait bénéficié d’un dépistage à risque élevé, car le fait d’avoir subi le premier AVC augmentait son risque d’en faire un deuxième. Un dépistage qui vise à la détection précoce et au suivi du traitement est nécessaire pour la prévention des MNT. Comme le dit le proverbe, « Mieux vaut prévenir que guérir ».
Un dépistage médical régulier, véritable sonnette d’alarme, visant à la détection précoce, à la gestion et au suivi permettrait de sauver des millions de vies.
28 mars 2023
Un appel à l’aide
Vivre avec des MNT est extrêmement invalidant, d’où la nécessité de prévenir ces maladies. L’exposition aux facteurs de risque, la faible sensibilisation et éducation en santé de l’opinion publique et le manque de ressources contribuent au développement des MNT. Ces facteurs sont des déterminants sociaux ou commerciaux de la santé. Informer et éduquer à la santé autour de la prévention et de la gestion des facteurs de risque des MNT contribuera pour beaucoup à réduire, maîtriser et gérer ces maladies. Ces informations indispensables ne sont pas facilement disponibles et, lorsqu’elles le sont, elles sont inefficaces en raison du manque de ressources humaines, de la surcharge de travail, du manque d’expertise, de l’absence de volonté politique et/ou de la non traduction des politiques en programmes efficaces. La proximité des services est un autre obstacle de taille. Les programmes de prévention et de dépistage devraient être proches des usagers des services, pour leur permettre d’y accéder facilement, et ils devraient être abordables, eu égard au niveau de pauvreté.
Le Comité sénatorial de la santé est le gardien des questions de santé dans le pays. Il est responsable des politiques et des lois nationales en matière de santé. Les planificateurs, les responsables de la mise en œuvre et les prestataires de services de santé devraient revoir les politiques, la planification, la mise en œuvre et la prestation des services de santé en matière de prévention, de maîtrise, de gestion et de prise en charge des facteurs de risque de MNT, de manière à les rendre disponibles, accessibles et abordables à tous les niveaux des soins de santé (primaire, secondaire et tertiaire). C’est une chose de fournir des services, c’en est une autre de faire en sorte qu’ils soient utilisés. L’opinion publique devrait être prête à utiliser ces programmes et services, ce qui passe par des activités de sensibilisation communautaire portées par des personnes vivant avec des maladies similaires et accompagnées par des décideurs locaux.
J’invite le Comité sénatorial de la santé à passer à l’action de la manière suivante :
- Élaborer des politiques de prévention des maladies qui puissent être traduites en programmes efficaces.
- Contrôler et réglementer la vente et la publicité d’aliments et de boissons mauvais pour la santé.
- Assurer un dépistage couvrant tous les niveaux de soins de santé (primaire, secondaire et tertiaire). Les planificateurs, les responsables de la mise en œuvre et les prestataires de soins de santé doivent entamer un renforcement des capacités en formant les professionnels de la santé afin qu’ils adoptent une approche basée sur le continuum de soins.
Carnets MNT
Rien pour nous, sans nous.
Grace Achodo, expérience vécue de plusieurs maladies chroniques, Nigeria
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Les Carnets MNT utilisent des approches multimédia riches et immersives pour partager un vécu afin de susciter le changement, en utilisant un format de discours public.