Je m’appelle Stephen Ogweno et je viens du Kenya. Je vis avec un reflux gastro-œsophagien (RGO) depuis 16 ans, à cause d’un surpoids frôlant l’obésité pendant la majeure partie de ma vie. J’ai également des problèmes bucco-dentaires à cause du RGO, et une légère myopie. Outre mon vécu personnel avec ces MNT dont on parle moins, j’ai également aidé des personnes de mon entourage qui vivent avec plusieurs MNT.
Je témoigne ici parce que je pense qu’il est temps. Il est temps que davantage de personnes, tant au plan local que mondial, entendent nos histoires, il est temps d’agir contre les maladies non transmissibles, surtout dans les pays en développement, il est temps que les gens voient les visages qui se cachent derrière les statistiques, il est temps d’utiliser nos voix comme un pouvoir, temps que nos témoignages contribuent de manière significative à changer les perspectives sur les MNT et à influencer les actions de lutte contre ces maladies. Je témoigne ici parce que je pense qu’il est temps.
18 octobre 2021
Mal compris, mal diagnostiqué, mal perçu
Dring ! La dernière sonnerie de la journée a retenti, il était temps de rentrer à la maison. Je n’avais pas passé une bonne journée à l’école ce jour-là, parce que pour la première fois, l’un de mes copains m’avait traité de gros. Pendant la plupart de mes premières années, mon surpoids était vu comme une bonne chose, on me considérait en bonne santé, potelé, et tout le monde voulait jouer avec moi. Tout a changé ce jour-là, à l’âge de 13 ans, dans mon école de Kisumu, au Kenya, marquant ainsi le début de mon expérience de la grossophobie.
À la maison, mes parents et mes frères et sœurs ont commencé à remarquer plusieurs choses étranges en moi. Tout d’abord, j’ai commencé à avoir des renvois involontaires peu de temps après avoir mangé. J’ai commencé peu à peu à me plaindre de brûlures d’estomac, j’ai cessé de manger certains de mes aliments préférés et j’ai commencé à avoir des problèmes bucco-dentaires, notamment des caries et des maux de dents constants. Tout le monde s’est rapidement mis à me surveiller pour me prendre sur le fait lorsque je régurgitais, et me critiquer et rapporter à mes parents, qui, à l’époque, ont pensé que je régurgitais volontairement, ce qu’ils trouvaient dégoûtant. À cause de cette tension familiale et de cette surveillance constante, j’ai commencé à avoir peur de manger.
A l’école, un professeur a remarqué que lorsqu’il me dictait ou qu’il écrivait au tableau, je forçais la vue pour écrire. Le professeur a appelé ma mère pour lui en parler et ma mère a également remarqué la même chose lorsque je faisais mes devoirs à la maison. Tout cela m’a conduit droit chez l’opticien pour un contrôle de la vue, mais il ne m’a trouvé aucun problème de vision. On a donc supposé que tout allait bien et ce n’est qu’à 23 ans que ma myopie sera diagnostiquée.
Tout ceci montre comment en l’espace d’à peine deux ans, on a découvert que j’étais en surpoids et que j’avais développé un reflux gastro-œsophagien et des problèmes de vue (myopie). À l’époque, ma famille, la communauté dans laquelle je vivais et mes amis, connaissaient mal ces troubles et ne savaient pas quoi faire. Cela voulait dire que mes affections étaient mal comprises, que j’étais mal diagnostiqué, et que mes amis, ma famille et ma communauté avaient pris pour argent comptant les mythes et les idées reçues sur ces maladies. Et bien que tout cela ait provoqué en moi confusion et isolement, j’ai plus tard consacré ma vie professionnelle à éduquer les communautés et les familles comme la mienne sur ce que sont les maladies chroniques, afin de veiller à ce qu’aucun enfant n’ait jamais à subir ce que j’avais vécu.
18 octobre 2021
Davantage que des patients atteints de MNT : de jeunes militants des MNT
En tant que jeune vivant avec plusieurs MNT, j’ai été victime de beaucoup de discrimination, de peur et de confusion quant à la manière de vivre avec mes maladies. Cependant, avec le recul, je me rends compte que cette situation ne me concernait pas moi uniquement, mais également presque tous mes amis qui vivaient avec d’autres MNT.
Je me souviens que lorsque j’ai quitté mon village pour la grande ville, afin de poursuivre des études universitaires, j’ai fait des rencontres et me suis lié d’amitié avec d’autres jeunes qui vivaient avec des MNT et avaient vécu des expériences similaires à la mienne. Je me souviens de mes conversations avec Mary (le nom a été changé), une militante de la cause des MNT qui avait eu un cancer du sein très jeune et avait subi l’ablation du sein gauche. Mary m’a raconté combien il avait été difficile pour ses amis de l’accepter à nouveau après l’opération et la perte de ses cheveux. Je me souviens aussi d’Angela (le nom a été changé), une jeune femme qui venait de découvrir qu’elle était atteinte d’une tumeur osseuse du genou de stade 1, ce qui signifiait qu’elle ne pourrait plus jouer au basket, son sport préféré. Auparavant athlète, elle devait désormais marcher avec des béquilles, et lorsque cela s’est produit, la plupart de ses amis se sont détournés. Ce ne sont là que quelques-unes des histoires qui m’ont poussé à trouver une solution.
J’ai refusé que mon histoire soit celle d’un « patient atteint de MNT » et qu’elle s’arrête là. Je voulais que mon histoire soit celle d’un défenseur de la cause des MNT qui s’est servi de son expérience et de celle des autres pour susciter un changement au sein de la communauté. C’est ainsi que j’ai créé Stowelink, une organisation de jeunes, dont l’objectif premier est d’éduquer, de militer et d’améliorer le diagnostic des MNT. Grâce à Stowelink, des jeunes vivant avec des MNT, parfois multiples, peuvent partager leurs histoires et les utiliser pour faire une différence. Avec Mary, nous avons créé des images saisissantes qui ont sensibilisé au cancer du sein et ont attiré l’attention du monde entier, ce qui nous a valu d’être publiés dans des magazines aux États-Unis. Avec Angela, nous avons pu lever des fonds qui lui ont permis de se rendre en Inde où elle a été soignée, avant de revenir et de poursuivre son plaidoyer pour la lutte contre les MNT, sans compter qu’elle a même repris le basket.
Je me suis rendu compte que si le passé est immuable, l’avenir peut être changé. Et que c’était à nous, jeunes vivant avec des MNT, de lancer le mouvement pour éduquer, militer et améliorer le diagnostic des MNT par le biais de projets communautaires et pilotés par des jeunes. Et pour que cela se produise, c’était à nous de jouer : rien ne pouvait être dit pour nous, sans nous.
18 octobre 2021
L’heure est venue d’agir contre les MNT et chacun a un rôle à jouer
En tant que personne vivant avec plusieurs MNT et représentant la communauté des MNT au sens large, je suis fermement convaincu qu’une action contre les MNT est nécessaire de toute urgence. Les domaines prioritaires sont notamment l’amélioration de l’accessibilité aux services de diagnostic et la création d’environnements propices au maintien de notre santé et de notre bien-être. D’après mon expérience personnelle, je sais qu’un grand nombre de personnes ignorent ce que sont ces maladies et comment les prévenir, les traiter ou les gérer. Par conséquent, elles ne bénéficient pas d’un soutien leur permettant de prendre des décisions éclairées sur leur santé et ne peuvent pas accéder facilement à des soins adaptés à leurs maladies.
En repensant au moment où l’on m’a diagnostiqué ces différentes MNT (obésité infantile, reflux gastro-œsophagien, problèmes dentaires et myopie) et la manière dont ma communauté m’a maltraité, je ne les blâme plus autant : ils ne connaissaient pas ces maladies et ne savaient donc pas comment réagir. Ce n’était pas un problème réservé à ma communauté ; le manque d’information et de compréhension des MNT et des maladies chroniques multiples est profondément ancré dans de nombreuses communautés et chez les décideurs. En s’attaquant collectivement à la question des connaissances et en soulignant l’importance de l’accès aux soins et à l’accompagnement, nous renforcerons les mesures de prévention des MNT et améliorerons l’accès aux services de diagnostic et de prise en charge au niveau communautaire.
À tous les défenseurs et acteurs des MNT : faites de l’éducation aux MNT une priorité, particulièrement dans les pays en développement. Trouvez des moyens d’améliorer la connaissance des MNT au sein des communautés et de dissiper les mythes et les idées reçues liées à ces maladies. Par le biais de programmes de santé scolaire et d’initiatives de santé communautaire, nous pouvons améliorer la compréhension des MNT, notamment des maladies chroniques multiples, et éviter que d’autres enfants ne soient stigmatisés comme je l’ai été.
Aux décideurs au Kenya et en Afrique subsaharienne, je demanderais avant tout d’inclure des jeunes et des personnes vivant avec des MNT dans l’élaboration des politiques relatives à ces maladies, leur mise en œuvre et leur évaluation. En outre, les gouvernements devraient mettre gratuitement à la disposition des moins de 18 ans les services de diagnostic, les médicaments et les soins essentiels liés aux MNT, et les rendre accessibles dans les centres médicaux communautaires, afin que personne ne soit confronté aux difficultés que j’ai rencontrées en raison du manque d’accès.
Et enfin, à nous tous, personnes vivant avec des MNT, mais particulièrement les jeunes, nous avons l’expérience et le pouvoir. Puissions-nous nous montrer à la hauteur de la situation et utiliser nos points de vue et notre voix pour éduquer, influencer et accompagner les communautés et les gouvernements afin qu’ils réagissent de toute urgence aux MNT. C’est grâce à mon vécu que j’ai développé Stowelink. Grâce à votre vécu vous pouvez à votre tour contribuer positivement à la lutte contre les MNT.
Carnets MNT
L’action contre les MNT doit être urgente, coordonnée et mobilisée, les personnes vivant avec des MNT doivent ouvrir la voie, les décideurs et partenaires doivent la renforcer et les jeunes la défendre pour vaincre les MNT.
Stephen Ogweno, expérience vécue de plusieurs maladies chroniques, Kenya
À PROPOS DES CARNETS MNT
Les Carnets MNT utilisent des approches multimédia riches et immersives pour partager un vécu afin de susciter le changement, en utilisant un format de discours public.