Bonjour, je m’appelle Ashla et je viens du Kerala, en Inde. Je vis avec une lésion de la moelle épinière depuis 10 ans.
Je partage mon vécu parce que de nombreuses histoires m’ont inspirée et m’ont aidé à revenir à la vie.
27 mai 2022
Bienvenue à mon monde
J’ai grandi, heureuse et pleine d’espoir, dans un village du Kerala, en Inde. Après avoir terminé mes études, j’ai commencé à travailler en ville, à environ 1 000 km de chez moi.
Quatre ans plus tard, alors que je me rendais au travail, je suis tombée d’un train en marche. J’étais immobile lorsque j’ai repris conscience à l’hôpital, dans une unité de soins intensifs (USI). Ma moelle épinière a été touchée au niveau des vertèbres C5/6.
J’ai été hospitalisée pendant un mois et demi. Mes os cassés ont été réparés, mais ma vie a complètement changé. J’étais alitée et dépendante pour presque tout.
Quelques semaines après mon accident, ma famille et moi-même ne savions pas grand-chose de mon pronostic. Les médecins ont suggéré la kinésithérapie et la réadaptation, qui n’étaient disponibles qu’à l’extérieur de mon village. J’ai été dans différents hôpitaux pendant les quatre années suivantes, accompagnée de ma mère. Avec de la kiné régulièrement, j’ai réappris à refaire des choses, mais de manière différente.
Retourner vivre dans mon village a été un cauchemar. Mon monde se limitait à ma chambre, dans laquelle j’étais confinée. Je n’avais plus de vie, ni de sens à ma vie. À quoi bon vivre, et dans quel but ?
Je me suis mise à chercher un endroit où je pourrais être prise en charge et faire un travail productif avec mes capacités limitées. Des amis m’ont suggéré Pallium India, une ONG qui offre des soins palliatifs et en assure le plaidoyer. J’ai été acceptée dans leur giron et me suis installée à leur siège social à Thiruvanantnapuram en 2014.
Bientôt, Pallium India est devenu mon chez-moi. L’équipe a écouté, patiemment et avec empathie. Ma mère et moi avons été traitées comme des personnes ; elle n’était plus une « spectatrice » sans nom, mais une aidante précieuse. Notre bien-être, notre qualité de vie et notre appropriation des décisions touchant à ma santé sont devenus l’objectif principal ; pas ma lésion ou mon handicap. Mes besoins médicaux ont été pris en compte à temps, ce qui a permis de prévenir les complications secondaires.
J’avais aussi reçu une excellente prise en charge pour mes os et mes muscles abîmés dans d’autres hôpitaux. Ce qui avait changé désormais c’était les petits détails qui faisaient une grande différence : me demander l’autorisation avant de me dévêtir pour les interventions, m’expliquer la procédure avant de me piquer avec une seringue ou de me poser un cathéter.
J’ai également commencé à travailler comme assistante du Dr Rajagopal, président de Pallium India et j’ai beaucoup appris sur les soins palliatifs, et constaté à quel point ces soins faisaient une différence dans la vie des personnes souffrant d’une maladie terminale. Les collègues me traitaient avec dignité, comme l’une des leurs.
L’impact que cette prise en charge a eu sur mon parcours avec une MNT est incroyable, quasiment un compte de fées. Je me sens de nouveau complète, je fais un travail utile, j’ai un but dans ma vie.
4 juillet 2022
Les aidants mettent des couleurs dans la vie
En rejoignant Pallium India en 2014, j'ai retrouvé ma vie, et toute une communauté de soignants et de personnes vivant avec des MNT avec qui la partager. Les patients atteints d’incapacités liées à la maladie, qu'elles soient physiques, mentales, émotionnelles, sociales ou psychologiques, reçoivent des soins palliatifs grâce à notre organisation et voient qu'il est possible de bien vivre avec n’importe quelle maladie limitant la durée de vie.
La première patiente que j'ai rencontrée à Pallium India était paraplégique et avait été admise dans notre service d'hospitalisation pour des douleurs non soulagées. Nos médecins, infirmiers, travailleurs sociaux et kinés ont évalué sa douleur. Ils ont découvert qu’elle n'était pas seulement physique, mais aussi émotionnelle. En tant que mère, sa souffrance provenait de son impossibilité à s'occuper de sa famille, et de l’impression qu’elle avait d’être un fardeau. Elle a reçu des médicaments contre la douleur et un soutien psychologique, ainsi qu'une kinésithérapie où elle a appris à se déplacer en fauteuil roulant. Elle a rapidement repris confiance et est rentrée chez elle pour être auprès de ses jeunes enfants. Grâce à son fauteuil roulant, elle a pu cuisiner leurs plats préférés et s'occuper à nouveau d'eux. Nous avons fini par lui trouver un centre de soins et, jusqu'à sa mort, notre équipe était présente chaque fois qu'elle avait des problèmes de santé.
Une autre femme atteinte de diabète de type 1 était mère célibataire d'un garçon de douze ans, qui était son aidant et sa seule famille. Elle avait un pied diabétique et était presque aveugle. Malgré ses médicaments, sa glycémie n'était pas maîtrisée, et faute de revenus, ils étaient au bord de la famine.
Heureusement, un centre médical communautaire l'a orientée vers Pallium India. Nous lui avons trouvé un diabétologue, qui a ajusté sa posologie pour maintenir sa glycémie et lui a évité l'amputation. Elle est maintenant capable de marcher avec des chaussures spéciales. Nous l'avons amenée dans un hôpital ophtalmologique pour qu'elle subisse une opération qui lui a permis de revoir son fils après quatre ans. Avec le soutien de la communauté, elle a loué une maison, où elle vit désormais avec son fils. Pallium India fournit à ce dernier un soutien éducatif.
Je connais aussi les difficultés d'un homme qui vit avec le psoriasis. Son problème de peau l'empêche d'avoir un travail régulier ou une vie sociale, et il a été exclu de sa famille. L'exclusion sociale des personnes vivant avec des MNT est fréquente en Inde. Nous organisons donc des sorties régulières et formons des groupes d’entraide sur les réseaux sociaux. Cela les aide à se sentir à l’aise face à des interlocuteurs et en public.
Dans l’ensemble, Pallium India a sensibilisé et considérablement amélioré la prise en charge de celles et ceux qui, sinon, n’auraient eu que peu de solutions, étant donné la rareté en Inde des installations de réadaptation et des ressources disponibles pour les personnes vivant avec une incapacité.
21 juillet 2022
Mobiliser, employer, intégrer
Les défis auxquels sont confrontées les personnes vivant avec différentes MNT sont divers, et les personnes vivant avec certaines affections telles qu’un handicap, une douleur chronique ou le psoriasis ne reçoivent souvent pas une attention ou des soins adéquats.
Vivre avec une incapacité n’est pas facile dans les pays en développement comme l’Inde. Les établissements de réadaptation ne sont ni disponibles ni abordables, ce qui signifie qu’une grande partie des personnes affectées sont confinées entre quatre murs et meurent souvent de complications secondaires telles que des infections provoquées par des escarres ou des infections urinaires. Les transports en commun n’étant pas accessibles, il est souvent impossible de se rendre dans un centre médical à temps. Lorsqu’il y a une personne handicapée dans une famille, ce n’est pas seulement cette personne qui souffre. Les proches de cette personne souffrent également de différentes manières.
Dans de nombreux pays, les personnes vivant avec des incapacités ne sont pas suffisamment représentées dans les programmes de lutte contre les MNT, ce qui limite notre accès aux programmes de prévention et de prise en charge disponibles. En raison de leur mode de vie sédentaire, les personnes handicapées sont également sujettes à d’autres MNT telles que l’hypertension, le diabète ou l’obésité. Il est donc d’autant plus important de les inclure dans les ripostes nationales aux MNT.
La déclaration d’Astana de 2018 sur le renforcement des systèmes de santé primaires pour la couverture sanitaire universelle (CSU) indique que les personnes doivent être prises en charge là où elles sont et quand elles en ont besoin. Cela signifie que les personnes vivant avec une incapacité ou d’autres MNT devraient recevoir les soins dont elles ont besoin, là où elles en ont besoin. Dans le cadre du travail que nous menons à Pallium India et dans d’autres centres de soins palliatifs du Kerala, j’ai constaté que les soins palliatifs agissent comme un pont entre les soins de santé primaires et la CSU.
S’agissant des autres grands défis, les services de santé spécialisés pour les MNT ne sont pas facilement disponibles et l’approvisionnement en médicaments est souvent interrompu. Les personnes vivant avec des MNT, y compris celles qui ont une incapacité, devraient également participer aux décisions de traitement et de prise en charge de leurs affections, ce qui arrive rarement à moins d’avoir le courage et la confiance nécessaires pour en parler à son médecin.
Mes appels à l’action :
- Faire participer de manière significative les personnes handicapées dans la riposte aux MNT en Inde et dans le monde, en assurant une représentation égale dans les discussions et les décisions.
- Créer des équipes interdisciplinaires au niveau des soins de santé communautaires pour prévenir et gérer les MNT, en prévoyant notamment du personnel formé pour conseiller et encourager les personnes vivant avec des MNT à vivre pleinement leur vie et à ne pas se retrancher dans la sphère privée.
- Créer des groupes d’entraide pour chaque MNT, car malgré de nombreuses priorités communes, les besoins et les problèmes diffèrent selon le type de MNT.
- Établir des centres de réadaptation et des soins à domicile pour les MNT. Cela devrait inclure des soins palliatifs à domicile pour les personnes à mobilité réduite vivant avec des MNT.
Carnets MNT
Nous avons tous le droit de vivre dans la dignité, et la responsabilité de créer un environnement permettant aux autres de vivre dans la dignité.
Ashla Rani MP, expérience vécue de lésion de la moelle épinière, Inde
À PROPOS DES CARNETS MNT
Les Carnets MNT utilisent des approches multimédia riches et immersives pour partager un vécu afin de susciter le changement, en utilisant un format de discours public.