Je m’appelle Karmila Munadi, mais vous pouvez m’appeler Mila. Je viens de Jakarta, en Indonésie. Je vis avec le diabète, l’obésité, le lupus et la dépression clinique.
J’aimerais que mon carnet permette à d’autres personnes vivant avec des MNT de se rendre compte qu’elles ne sont pas seules, tout en sensibilisant aux MNT, et notamment à ce qui est possible en matière de prévention.
19 janvier 2023
La prévention des MNT passe par la coopération de plusieurs parties prenantes
L’obscurité. Comme si mon avenir s’était brisé en morceaux. J’avais peur qu’aucun des meilleurs employeurs ne m’embauche. J’étais perdue et n’avais personne à qui parler. C’est ce que j’ai ressenti lorsque l’on m’a diagnostiqué un diabète de type 2 en 2010, à l’âge de 23 ans.
Je vis avec l’obésité depuis ma jeunesse. J’ai grandi en Indonésie et il n’y avait pas de cantines scolaires : soit on apportait ses repas, soit on les achetait à la cafétéria. On y trouvait beaucoup d’aliments transformés, de restauration rapide, de malbouffe, de boissons sucrées et de boissons gazeuses, et aucune consigne spécifique n’était donnée aux vendeurs de la cafétéria quant à ce qu’ils devraient vendre. Il en allait de même avec les vendeurs ambulants chez qui nous achetions souvent à manger, mes amis et moi, après l’école. Je n’avais aucune conscience de l’impact potentiel des aliments transformés sur la santé pendant ma scolarité.
Mon père vivait avec le diabète, mais je ne connaissais pas la maladie, ni les signes à surveiller. Un jour, j’ai dû passer une visite médicale dans le cadre d’un processus de recrutement, qui a révélé une glycémie très élevée. En conséquence, mon recrutement a été reporté et on m’a vivement recommandé de consulter un médecin. J’aurais aimé en savoir davantage plus tôt sur ma maladie et sur la manière dont elle aurait pu être prévenue.
« Pourquoi moi ? » Je me suis posé la question. J’avais honte que les gens puissent penser que j’avais du diabète parce que « j’étais obèse », « je mangeais trop », « je buvais trop de boissons sucrées » ou « je n’étais pas assez croyante ». Il y a des gens plus corpulents que moi, qui sont exposés aux mêmes facteurs de risque. La différence c’est qu’ils n’ont pas développé de diabète aussi tôt que moi, voire jamais. Pourquoi ?
Mon médecin m’a dit que la prise en charge du diabète implique de gérer la maladie pour en prévenir les complications, des complications que j’ai fini par développer sous la forme d’une dépression clinique. Elle joue également un rôle important dans la rémission du lupus, avec lequel je vis également. Gérer le diabète, c’est consulter un nutritionniste qui me donne des conseils pour préparer mes repas et avoir une alimentation équilibrée - des informations détaillées que je n’avais pas reçues à l’école. Simple en théorie, mais la pratique est une autre paire de manches.
La préparation des repas peut prendre beaucoup de temps et d’énergie. Malheureusement, les choix alimentaires « mauvais pour la santé » sont moins chers, plus rapides et plus variés. Ils donnent aussi souvent une plus grande sensation de satiété que les aliments plus sains. J’évalue ces différents choix, grâce à la prise de conscience que j’ai développée avec l’aide de mon nutritionniste, mais beaucoup de gens n’ont pas accès à ces informations.
27 février 2023
Vous n’êtes pas seul•e
Savoir, c’est pouvoir. J’ai besoin de savoir ce qui m’arrive. Après mon diagnostic, j’ai commencé à faire des recherches sur le diabète. Ce processus n’a pas été facile. Je me souviens d’avoir assisté à un séminaire sur le diabète où j’étais la seule jeune personne dans la salle, ce qui m’a fait ressentir honte, déni et isolement dans mon expérience. Heureusement, j’ai rapidement rejoint une délégation représentant l’Indonésie au près de Young Leader Diabetes. Cela m’a permis de rencontrer d’autres jeunes vivant avec le diabète et d’en apprendre davantage sur la prévention et la prise en charge du diabète.
Inspirés par Young Leader Diabetes, nous avons créé une communauté appelée Persadia Muda (Association des jeunes pour le diabète en Indonésie) destinée aux jeunes vivant avec le diabète, âgés de 17 à 45 ans, car les défis auxquels nous sommes confrontés sont souvent différents de ceux des enfants ou des personnes âgées. Persadia Muda est un lieu où nous pouvons nous entraider, partager des informations et apprendre les uns des autres.
Grâce à cette communauté, nous pouvons sensibiliser le public au diabète et aux facteurs de risque associés, ce qui est particulièrement nécessaire pour aider à prévenir l’apparition ou les complications du diabète chez d’autres personnes en Indonésie. Mpit, une femme âgée de 28 ans appartenant à notre communauté et ayant une expérience directe de diabète gestationnel, m’a dit qu’elle était heureuse d’obtenir de l’aide et d’apprendre des autres sur la grossesse et le diabète. C’est son prestataire de santé qui aurait dû lui donner cette éducation, mais il n’en a malheureusement pas été ainsi, soit parce que le prestataire de santé n’avait pas suffisamment de connaissances, soit parce qu’il n’était pas tenu d’éduquer les patients dans son établissement. Après l’accouchement, sa glycémie s’est normalisée, ce qui signifie qu’elle a pu cesser de prendre des médicaments contre le diabète. Mais grâce à notre communauté, elle a appris qu’après avoir subi du diabète gestationnel, elle avait un risque accru de développer un diabète de type 2. Cela lui a permis de prendre les précautions nécessaires et d’adopter des gestes bénéfiques pour la santé afin de prévenir son apparition.
Certains membres de Persadia Muda vivent dans des zones rurales. Jess, 29 ans, un membre vivant avec le diabète de type 1, a partagé les difficultés auxquelles elle est confrontée pour prévenir les complications du diabète. Elle vit dans une petite ville de la province de Java occidental où il y a peu de spécialistes, et notamment aucun endocrinologue, ce qui signifie qu’elle a dû se déplacer pour recevoir des soins. Elle a indiqué que de nombreux prestataires de soins de santé ne disposent pas d’informations adéquates sur le diabète. Pour la gestion de son diabète et la surveillance de sa glycémie, elle a besoin d’un glucomètre et de bandelettes réactives. Malheureusement, la caisse d’assurance maladie du gouvernement ne les prend pas en charge. Elle a la chance de pouvoir se le permettre, mais d’autres ne le peuvent pas, ce qui signifie qu’ils sont incapables de surveiller leur glycémie pour mesurer l’efficacité de leur traitement.
6 mars 2023
La parole est l'ombre de l’action
Il existe d'importantes idées reçues sur le diabète en Indonésie. Lorsque les gens apprennent que je vis avec le diabète, certains me demandent si j'ai un diabète « humide » ou « sec », en référence à deux types de plaies – ouvertes ou fermées – que la maladie peut produire au niveau des pieds. Certaines personnes me proposent parfois toutes sortes de médicaments traditionnels censés guérir le diabète. J'entends aussi souvent des gens qui font des commentaires tels que « Oh, vous avez du diabète. Cela doit être parce que vous mangez trop d'aliments sucrés » ou « Vous êtes trop grosse, c'est pour cela que vous avez du diabète » ou « Vous devez être trop paresseuse pour bouger ».
Vivre avec le diabète et être témoin de ces idées reçues m'a appris l'importance d'éduquer la population aux facteurs de risque, tels que la consommation excessive de sucre et d'autres maladies, dont l’obésité, ainsi qu’à la détection précoce, aux signes et symptômes du diabète, et à ce dont les personnes vivant avec le diabète ont besoin pour contrôler et maintenir leur glycémie.
En 2023, j'ai rejoint Diabetes Initiative Indonesia, qui sensibilise les jeunes Indonésiens au diabète. oPar rapport à Persadia Muda, Diabetes Initiative Indonesia met particulièrement l'accent sur la prévention du diabète avant le diagnostic, en particulier pour les jeunes, et est composée de médecins, d'étudiants en médecine, de personnes vivant avec le diabète, d’aidants et d’éducateurs en diabète. Nous essayons de créer un mouvement pour fournir aux jeunes Indonésiens des informations sur la façon de prévenir l'apparition du diabète, de reconnaître les premiers symptômes et de gérer la maladie pour empêcher le développement de complications liées au diabète.
Nous œuvrons également pour que les décideurs contrôlent et limitent des facteurs de risque tels que le sucre et les aliments transformés. Actuellement, plusieurs ONG et communautés de jeunes font campagne pour que le gouvernement applique un droit d'accise sur les boissons sucrées conditionnées. Nous faisons également campagne pour que la sécurité sociale prenne en charge les bandelettes de test de la glycémie, car la surveillance de la glycémie joue un rôle essentiel dans la maîtrise du taux de sucre dans le sang.
Pour présenter nos principales revendications, nous, les personnes vivant avec les MNT et le diabète en Indonésie, appelons le gouvernement à :
- Mettre en œuvre des campagnes d’éducation à la santé pour sensibiliser davantage les Indonésiens à la prévention, y compris aux facteurs de risque et aux symptômes du diabète et d'autres MNT.
- Augmenter le nombre de médecins spécialisés et de soignants tels que les infirmiers et les techniciens de laboratoire afin que toute la population indonésienne ait un meilleur accès aux services de prévention et de détection précoce du diabète et des MNT.
- Introduire des droits d'accises sur les boissons sucrées emballées afin de réduire la consommation.
- Assurer la prise en charge des bandelettes de test de glycémie par la sécurité sociale.
Carnets MNT
Un petit pas à la fois, avec persévérance, produirait un grand impact. En lançant une action soi-même on peut être source d’inspiration pour les autres.
Karmila Munadi, expérience vécue de plusieurs maladies chroniques, Indonésie
À PROPOS DES CARNETS MNT
Les Carnets MNT utilisent des approches multimédia riches et immersives pour partager un vécu afin de susciter le changement, en utilisant un format de discours public.