Bienvenue dans le troisième et dernier épisode de ma série de 3 podcasts, je m’appelle Chikhulupiliro Stanley Jnr Ng’ombe et je viens du Malawi. Dans le premier épisode, j’ai raconté mon parcours avec des MNT, dans le deuxième, j’ai parlé de la manière dont ce parcours a touché et impliqué les autres et à présent, pour le troisième et dernier épisode, nous nous concentrons sur ce que je fais actuellement, alors que je continue à lutter contre ma MNT.
Depuis 1995 je suis en rémission de mon cancer, mais la cicatrice qui se trouve définitivement dans mon cerveau me provoque des crises encore aujourd’hui. Cela a été un défi, mais j’ai réussi à terminer l’école primaire, le lycée et l’université.
Alors que j’étais à l’université où j’étudiais la gestion du VIH/sida, je ressentais en moi l’envie ou le besoin de faire plus. J'avais sans cesse le désir de créer une organisation ou un réseau à but non lucratif qui soutiendrait les personnes vivant avec un cancer grâce à des actions et des programmes conçus et mis en œuvre par des survivants du cancer, afin de leur redonner espoir pendant leur traitement.
En troisième année, j'ai abandonné (même si je prévois de terminer ma formation à l'avenir) car j'avais l'impression de devoir faire un choix entre sauver des vies et obtenir un diplôme. J'ai choisi la première option et en 2011 j'ai créé Cancer Survivors Quest, à un moment où la lutte contre le cancer et les MNT n'avait pas le vent en poupe au Malawi. Avec Cancer Survivors Quest, nous aidons le gouvernement à mettre en place une approche de la lutte contre le cancer axée sur les personnes, grâce à la sensibilisation et la prestation de soins psycho-sociaux. À travers Cancer Survivors Quest, nous nous rendons dans différents hôpitaux (publics et privés) du Malawi qui traitent le cancer et nous prodiguons des conseils aux patients à qui on a diagnostiqué cette maladie, car les médecins et le personnel médical n'ont jamais le temps d’expliquer en détail le parcours à suivre pour lutter contre un cancer, ni en quoi consiste cette maladie. Et lorsque les patients rencontrent un survivant, cela leur donne l'espoir de s’en sortir. Beaucoup croient que c’est incurable et qu’ils vont tout simplement mourir, mais tout cela change lorsqu’ils voient quelqu’un qui a survécu. Cancer Survivors Quest fait de la sensibilisation dans les villages où il n’y a pas de centre médical, ou des installations limitées, et où le cancer n’est pas un sujet de discussion habituel, mais grâce à nos histoires de survie nous parvenons à briser les barrières et à partager certaines vérités sur cette maladie avec celles et ceux qui sont mal informés ou pas informés du tout. Nous sommes heureux de voir qu’à présent, grâce à nos efforts et à ceux de quelques autres organisations, on fait beaucoup plus contre le cancer au niveau national.
C’est lors d’une réunion à Eldoret, au Kenya, en 2016, organisée par NCD Child, que j’ai entendu parler pour la première fois de l’Alliance sur les MNT. J’ai été vraiment impressionné par la démarche collaborative et centrée sur les personnes que mène l’Alliance, ainsi que par l’accent mis sur la participation significative des personnes vivant avec des MNT. À mon retour de cette réunion, j’étais très motivé pour faire naître une alliance sur les MNT au Malawi. Avec l’aide de quelques amis, à savoir la défunte fondatrice de la fondation Jiyavanni Diabetic et de Hope for Cancer, Maud Mwakasungula (coalition de femmes contre le cancer), et grâce à Cancer Survivors Quest, l’Alliance sur les MNT du Malawi a été constituée et a rapidement obtenu l’adhésion d’autres organisations.
J'ai rapidement commencé à travailler en tant que premier chef de projet pour l'Alliance malawite sur les MNT, et nos efforts nous ont permis d’entrer dans la vie de nombreuses personnes vivant avec des MNT au Malawi grâce à notre plaidoyer et notre travail pour améliorer l'impact et la qualité de la riposte aux MNT au plan national. J’ai également été accepté en tant que membre du Comité consultatif Notre vision, notre voix où je siégerai tout au long de 2022.
Je fais également partie de l’Epilepsy Warriors Foundation, une organisation de défense du bien-être des personnes atteintes d’épilepsie qui a également adopté une approche centrée sur la personne, et dont je préside actuellement le conseil d’administration. Cela me permet d’aider les autres à réussir en tant que personnes vivant avec l’épilepsie.
Travailler avec ces organisations me permet d’avoir un œil plus attentif et donc une meilleure compréhension du système médical du Malawi. L’un des défis que j’ai identifiés est le manque de personnel infirmier formé, capable de dispenser des soins adéquats aux personnes atteintes d’une MNT. Tout comme Cancer Survivors Quest, l’Agence malawite sur les MNT ou l’Epilepsy Warriors Foundation ont constaté que les personnes vivant avec des MNT reçoivent souvent très peu d’explications concernant leur état ou leur parcours thérapeutique. Cela est dû en partie au manque de formation du personnel infirmier, car après l’école de soins infirmiers, aucune formation supplémentaire n’est prévue. Avec le soutien de l’un de nos partenaires, Pretola Global, l’Epilepsy warriors Foundation a pu organiser une formation en ligne sur la gestion et les soins de l’épilepsie en général, destinée au personnel médical et infirmier. Plus de 30 infirmiers/infirmières ont été formés et nous sommes désormais sûrs que chaque centre médical et/ou hôpital de district au Malawi dispose d'au moins un infirmier formé qui pourra bien assister celles et ceux qui ont besoin de soins. Nous continuons à œuvrer avec nos partenaires à la formation de plus de personnel infirmier en vue d’accompagner le gouvernement du Malawi, car en tant que personnes vivant avec des MNT, nous connaissons et comprenons l'importance du personnel de santé et des prestataires de soins. Si nous disposons de plus de personnel formé dans les hôpitaux, nous sommes assurés d'obtenir de meilleurs diagnostics et une prise en charge de l'épilepsie améliorée dans les pays en développement.
Avec Cancer Survivors Quest, nous avons des projets qui permettent aux plus pauvres parmi les pauvres de consulter des agents de santé, car le Malawi n’a pas d’assurance nationale, juste une assurance privée, car nos dispensaires et nos hôpitaux ne parviennent pas à fournir tous les services ni tous les médicaments. Un exemple de projet est le « Alinafe Cervical Cancer Screening project », dans le cadre duquel nous recueillons des fonds pour offrir des services de dépistage du cancer du col de l’utérus. Nous embauchons du personnel infirmier et achetons le matériel nécessaire, et nous nous rendons dans différents villages pour offrir gratuitement des services liés au cancer du col de l'utérus. Nos services sont différents car nous commençons en sensibilisant et en racontant comment nous avons vaincu le cancer. Nos histoires contribuent à changer les mentalités et nous croyons qu’ainsi, une grande partie de la population viendra se faire dépister en comprenant qu’il est possible de survivre au cancer.
La prestation de soins psychosociaux est quelque chose que les fournisseurs de soins de santé ne sont pas en mesure de fournir, alors en tant que survivants du cancer, nous allons donner de l’espoir aux patients à l’hôpital et leur apportons des produits de base et des commodités dont les patients ont besoin, mais qu’ils ne peuvent pas acquérir, et que le gouvernement n’est pas en mesure de leur fournir.
Le pays a grand besoin de plus de centres de dépistage du cancer et des MNT en général. Le dépistage précoce est essentiel, mais l'accès à ces services est malheureusement difficile. Avec Cancer Survivors Quest, nous travaillons à la mise en place d'un projet visant à créer des centres de dépistage dans les zones les plus rurales. Nous commencerons par le dépistage du cancer et nous établirons des partenariats avec le gouvernement et d'autres organisations qui s'occupent de différentes MNT, afin pouvoir dépister plus tôt et donc de recevoir un diagnostic également plus tôt. Cela permettrait aux patients d’accéder aux soins avant que le cancer ou la MNT n’ait atteint un stade avancé.
Même si le gouvernement du Malawi travaille énormément dans ce domaine, il reste encore beaucoup à faire dans le pays. Il y a peu ou pas de sensibilisation aux MNT au niveau national. La plupart du temps, la sensibilisation est traitée dans le cadre d’un événement ponctuel, mais la sensibilisation devrait plutôt être un processus, un processus de diffusion d’informations sur les MNT jusqu’à ce qu’elles se transforment en connaissances. La sensibilisation aux MNT nécessite une collaboration constante entre le gouvernement, les personnes vivant avec des MNT (y compris les organisations dirigées par des personnes vivant avec ces maladies) et les prestataires de soins de santé. J'invite donc le ministère de la Santé du Malawi à prendre les choses en main en réunissant les personnes vivant avec des MNT et les prestataires de soins de santé afin de faire avancer les campagnes nationales de sensibilisation à ces maladies.
Une autre exigence dans la lutte contre les MNT au Malawi, ce sont des installations spécialement conçues pour ces maladies. À l'heure actuelle, la majorité des MNT sont traitées dans les dispensaires, or elles nécessitent généralement un traitement, des médicaments et des services spécialisés. Nous saluons le fait que nous disposions désormais de centres médicaux spécialisés dans les MNT, mais ce n'est qu’un début. Il reste encore beaucoup à faire pour que le Malawi, en tant que pays, puisse contrôler et gérer ces maladies, pour les générations actuelles et futures. J’appelle le gouvernement du Malawi à faire avancer les efforts en vue de finaliser la construction du centre de cancérologie et à veiller à ce que ce centre soit pleinement opérationnel, car un prêt a été contracté pour sa construction mais nous n’avons pas vu de progrès, et à faire de même pour d’autres installations spécialisées pour les MNT.
Je demande également au gouvernement de ne pas considérer la sensibilisation au cancer et aux MNT comme un événement ponctuel, mais d'adopter des mesures pour créer, imprimer et mettre à disposition des informations relatives au cancer et aux MNT, à l’instar d’autres maladies non transmissibles auxquelles le gouvernement s'est très bien attaqué. L’appel que je lance au gouvernement réaffirme la nécessité d’avancer main dans la main, d’œuvrer ensemble vers un objectif commun et de s'assurer que nous sommes en mesure de maîtriser les MNT.
J'invite également le gouvernement à élaborer davantage de politiques de formation et à s'associer, le cas échéant, avec différentes parties prenantes pour faire en sorte que les prestataires de soins de santé, quel que soit leur niveau, puissent bénéficier de formations supplémentaires qui leur permettront de traiter les personnes vivant avec des MNT et de leur fournir une prise en charge de pointe, axée sur le patient. Il convient également que le gouvernement mette à jour la liste des médicaments et offre un traitement médicamenteux plus récent et de meilleure qualité aux personnes vivant avec des MNT.
Les MNT peuvent être traitées, gérées et on peut y survivre. J'espère que mon histoire, et celle d'autres personnes vivant avec des MNT, que j'ai racontées dans ma série de podcasts, en témoignent. J’espère également que ce podcast pourra interpeller le gouvernement et d’autres décideurs du Malawi et les inciter à en faire plus.