Ça y est, la 5ème série des Carnets de MNT touche à sa fin, plus tôt que je ne pensais. Comme vous le savez, je suis Christopher Agbega et je vis avec une neuropathie motrice sensorielle héréditaire au Ghana, en Afrique de l’Ouest.
Pour les nouveaux-venus, ceci est le dernier des trois épisodes du podcast. Jusqu’à présent, j’ai raconté mon histoire et celle de ma communauté en témoignant de certaines inégalités profondes auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement alors que nous luttons pour avoir accès à un traitement et un accompagnement qui nous permettent de donner un sens à notre vie, quelles que soient nos MNT.
Dans ce dernier épisode, je lance un appel : j’appelle mon gouvernement et les gouvernements du monde entier à adopter des stratégies qui favorisent l’équité en santé et évitent la discrimination des personnes vivant avec des MNT.
J’insiste : le premier pas vers l’éradication des inégalités et l’amélioration du traitement et de la prise en charge des personnes vivant avec les MNT consiste à mobiliser et impliquer de manière significative les personnes vivant avec les MNT dans les processus décisionnels, à tous les niveaux, portant sur la prévention et des soins des MNT. Les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux doivent reconnaître que l’expérience vécue par chaque individu est unique, et que c’est cette caractéristique qui permet une expertise personnalisée. Nous, personnes vivant avec des MNT, avons des informations de première main qui vont au-delà de ce que les experts en la matière ou les agents de santé peuvent savoir. Nos expériences sont variées, tout comme le sont nos besoins.
Encore récemment, impliquer les personnes vivant avec des MNT dans la riposte du Ghana aux MNT était un concept inconnu. L’Alliance ghanéenne sur les MNT a travaillé avec l’initiative Notre vision, notre voix pour instaurer le concept de participation significative au Ghana et éviter une implication purement symbolique. Mais il reste clairement des lacunes, comme le montrent les nombreuses inégalités que j’ai décrites dans les épisodes précédents.
Le point de vue des personnes vivant avec des MNT, et par extension de la société civile, dans l’élaboration de politiques globales adaptées aux besoins individuels des bénéficiaires, doit être défendu. Cet objectif ne peut être atteint qu’avec le bon niveau de mobilisation du gouvernement, ainsi qu’avec des environnements favorables qui offrent des opportunités et un accompagnement aux personnes vivant avec des MNT pour qu’elles puissent prendre leur place en tant que co-créateurs à part entière dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de lutte contre les MNT.
Je vous ai déjà raconté à quel point les opportunités d’emploi sont limitées pour les personnes vivant avec des MNT en raison de la discrimination, de l’inaccessibilité aux établissements et parfois de l’incapacité perçue. Cela porte atteinte aux droits et à la dignité des personnes vivant avec des MNT et entraîne davantage de contraintes financières. Les gouvernements et la société civile doivent contribuer au renforcement des capacités des personnes vivant avec des MNT par le biais de l’apprentissage et d’opportunités académiques spécialisées qui leur permettent de s’insérer sur le marché de l’emploi dans un système qui réponde à leurs besoins en matière d’accessibilité et de santé.
Le 21ème siècle a été marqué par de nombreuses discussions et déclarations mondiales sur les MNT et la couverture sanitaire universelle (CSU). Cependant, la traduction de ces engagements en actions concrètes fait manifestement défaut (notamment les investissements dans la lutte contre les MNT), et devinez sur qui ce fardeau retombe ? Les personnes vivant avec des MNT constituent une population vulnérable aux difficultés économiques qui accompagnent le coût élevé du traitement de ces maladies. Les énormes paiements directs ont de graves répercussions sur nos revenus, laissant certains d’entre nous et nos familles en situation de handicap financier. Au Ghana, où le financement public de la santé et les stratégies d’assurance maladie sont limités, le paiement des soins enferme les ménages dans un cycle d’endettement et d’extrême pauvreté, car les dépenses pour les besoins de base tels que la nourriture, le logement et l’éducation deviennent peu à peu des dépenses pour des médicaments et des interventions médicales coûteux.
Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses MNT passent inaperçues dans un pays comme le Ghana où les soins de santé primaires sont sous-financés et où les centres de diagnostic et les équipements médicaux sont indisponibles ou hors service, et dans de nombreux cas concentrés dans les villes. Par extension, la faiblesse du financement de la santé se ressent dans le manque de détection précoce. Je considère personnellement qu’il y a un danger à ne pas diagnostiquer une MNT à cause du coût élevé des diagnostics et d’un matériel hasardeux.
Les gouvernements doivent reconnaître que la détection et le diagnostic précoces sont des éléments clés d’une prise en charge efficace des MNT et qu’ils contribuent énormément à l’accomplissement de la couverture sanitaire universelle. Il est nécessaire d’investir et d’augmenter les dépenses afin d’améliorer les soins de santé primaires et réduire les paiements directs, renforcer la détection précoce des MNT et améliorer le bien-être général des populations concernées. La promotion de la santé destinée à sensibiliser les membres de la communauté leur permet également de faire part d’éventuels symptômes des MNT en connaissance de cause, et donc de réduire les complications et les décès soudains. Je félicite toutefois le gouvernement d’avoir mis en place les Réseaux de pratique, qui visent à renforcer le système de soins de santé primaires du Ghana.
Le régime national d’assurance maladie du Ghana (NHIS) ne prend pas en charge un certain nombre de maladies et de médicaments. Le manque de disponibilité de médicaments et de matériel de diagnostic rend les personnes vivant avec des MNT très vulnérables. Le gouvernement doit comprendre que les Ghanéens demandeurs de soins de santé ne sont pas tous les mêmes. Certains d’entre nous ne peuvent pas passer une semaine sans médicaments ; certains d’entre nous n’ont toujours pas les moyens de payer le coût des médicaments en partie pris en charge par le NHIS ; certains d’entre nous ont des symptômes chroniques ; et nous n’avons dans l’ensemble pas les moyens de nous payer une assurance maladie privée.
Au fil des ans, l’approche de la riposte aux MNT a consisté à cibler une maladie à la fois. Au Ghana, cela nuit au bien-être général des personnes vivant avec des MNT. Je peux personnellement témoigner de la détresse psychologique que j’ai ressentie au début de mon diagnostic, et pourtant on ne m’a jamais proposé un accompagnement ou des services de santé mentale au cours de mon traitement. Le système de santé ghanéen n’a pas encore adopté une approche plus intégrée et plus globale de la prestation de soins de santé pour les personnes vivant avec des MNT. Je suis convaincu qu’une approche intégrée et centrée sur la personne est importante pour les pays à faibles ressources comme le Ghana. L’intégration des services de lutte contre les MNT contribuera à améliorer la couverture, à réduire les comorbidités liées à ces maladies et à sauver des vies. Les programmes de traitement complets pour les personnes vivant avec des MNT devraient être prioritaires.
On dit qu’une nation en bonne santé, est une nation riche. Le Ghana et tous les autres pays doivent tout faire pour parvenir à la couverture sanitaire universelle. Cela comprend tous les enjeux que j’ai mentionnés, ainsi que la protection de la population contre les déterminants sociaux et commerciaux de la santé. Les MNT peuvent être évitées lorsque les principaux facteurs de risque sont maîtrisés. Les gouvernements doivent s’efforcer de promulguer et de faire appliquer des lois de santé publique qui limitent la disponibilité et l’accessibilité du tabac, de l’alcool et des aliments mauvais pour la santé, tout en augmentant leur prix. Le gouvernement devrait également lancer des initiatives de lutte contre la pollution de l’air et encourager l’activité physique dans toutes les tranches d’âge. C’est possible !
Permettez-moi de saisir cette occasion pour remercier vivement l’Alliance sur les MNT et l’Alliance ghanéenne sur les MNT pour avoir permis à ma voix de faire une différence. J’encourage toutes les personnes vivant avec des MNT à s’exprimer. Faites entendre votre voix par tous les moyens possibles pour l’équité en santé que nous méritons.
Un grand bravo aux héros invisibles, nos aidants, qui consacrent leur temps, leur énergie et leurs finances à assurer notre vie. Vous êtes une bénédiction dans notre parcours.
Merci, oui, d’avoir écouté ce podcast. Veillez à partager ce podcast avec vos amis et vos proches, participez au changement.
C’était Christopher Agbega qui signe ici la fin de la 5ème série des Carnets MNT.
Et n’oubliez pas : « rien sur nous, sans nous ! » Prenez soin de vous. À bientôt !